Pour réussir dans un monde vica, le leader doit apprendre à danser avec la réalité
Nous vivons dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu. L’acronyme anglais VUCA de ces quatre dimensions (VICA en français) trouve son origine dans les académies militaires américaines. Il a ensuite été repris et adapté dans le monde des affaires, en particulier dans le champ de la stratégie des entreprises. Dans cet article, nous nous intéresserons aux qualités personnelles nécessaires à un leader pour piloter son entreprise dans un tel environnement.
DOUTER SANS SEMER LE DOUTE, DÉVELOPPER SON AGILITÉ
La volatilité se caractérise par une forte instabilité de l’environnement qui peut se manifester par des changements brusques, parfois violents, sans que ceux-ci soient prévisibles et sans que ces changements permettent nécessairement de retrouver une quelconque stabilité nouvelle. Autrement dit, dans un environnement volatile des changements peuvent se succéder de manière apparemment erratique.
Cela a pu être le cas des cours du pétrole ou des intentions de vote au premier tour des élections présidentielles françaises qui a vu certains électeurs changer de choix de candidat deux à trois fois dans les semaines précédant le scrutin. Notons bien que dans ces deux cas, cette volatilité n’est pas due à une quelconque absence de données ni à une incompréhension des mécanismes à l’œuvre. Nous pouvons même émettre le postulat qu’il n’y a jamais eu autant d’informations, d’indicateurs et de capacité de traitement. Mais la non corrélation est marquante entre ce qui semblerait une rationalité économique ou politique et les mouvements des marchés ou des électeurs. Pour le dirigeant d’entreprise, la volatilité se manifeste également par de très nombreuses sollicitations inattendues de la part des équipes qui sont soumises elles-mêmes à la volatilité des demandes des clients. Ainsi, dans un monde d’impermanence, les plannings volent-ils en éclat, les propositions commerciales sont-elles faites et défaites, les projets lancés, stoppés, puis repris sur de nouvelles bases …
Lorsque la volatilité est grande, le dirigeant court le risque de poursuivre des actions ou des modes d’actions devenus obsolètes en raison des modifications brusques de l’environnement. En même temps s’il remet en cause ses propres fonctionnements et ceux de son entreprise à chaque transformation de l’environnement, il risque de surconsommer l’énergie individuelle et collective disponible et de générer son propre épuisement comme celui de ses équipes.
Quelles sont alors les capacités nécessaires à un leader intervenant dans un monde volatile ?
Nous citerons bien sûr l’agilité, c’est-à-dire la capacité à réagir vite et à s’adapter de manière pertinente à un nouveau contexte se présentant parfois de manière soudaine. Pour porter ses fruits, l’agilité devra concerner non seulement le leader lui-même ou elle-même, mais également l’ensemble de son organisation afin que celle-ci soit en mesure d’ajuster son opérationnalité de manière efficace et rapide. Le champ organisationnel de l’entreprise agile s’est largement développé ces dix dernières années. Mais qu’en est-il de l’agilité du dirigeant ? De notre point de vue, trois compétences clés sont sous-jacentes à celle de l’agilité individuelle.
Tout d’abord, s’adapter à un nouvel environnement de manière pertinente nécessite de développer une capacité à modifier rapidement ses systèmes de pensée, qu’il s’agisse des représentations que l’on a de la réalité ou du sens qu’on lui donne. Il s’agit également de pouvoir changer ses repères, ses réflexes, ses habitudes et par conséquence, ou parfois concomitamment, ses actions. Sans doute une des clés paradoxales permettant de réussir à mettre en œuvre ces changements personnels internes autant qu’externes est-elle de pouvoir se focaliser sur le temps présent. En effet, appréhender un réel volatile nécessite d’être capable de se libérer de modes de fonctionnement révolus sans pour autant être en mesure d’anticiper ce qui ne peut l’être.
Ensuite, dans son rôle de leader motivant ses équipes, le dirigeant agile est souvent confronté à un défi particulier, celui de mettre à jour ses orientations tout en dépassant ce qui pourrait apparaître aux yeux des équipes comme une contradiction voire une incohérence avec des caps précédemment affichés. Vis-à-vis de ses équipes il devra ainsi pouvoir passer d’une « certitude » à une autre sans générer de confusion, et toujours douter sans semer le doute.
Une réponse possible à cette équation réside dans une approche circulaire, voire organique du management. D’une part le dirigeant agile pourra s’appuyer sur les équipes de premières lignes en contact direct avec l’environnement car elles sont souvent le mieux à même de détecter les premiers signaux annonciateurs de changement. D’autre part, il pourra échanger avec elles sur la signification dynamique de ces signaux et les nourrir en retour de nouvelles interprétations stratégiques et opérationnelles. Ainsi les équipes pourront-elles aborder de nouveaux dispositifs organisationnels ou fonctionnels, non pas comme la dernière lubie d’un dirigeant versatile, mais comme une métabolisation stratégique des signaux qu’elles ont elles-mêmes contribué à détecter dans l’environnement.
La troisième compétence est celle de pouvoir créer une stabilité interne à l’entreprise alors même que dans un monde volatile les changements peuvent être aussi soudains que répétés. Lorsque les repères externes disparaissent, c’est en interne qu’il faut trouver et construire de nouveaux points de stabilité. La mission et le système de valeurs de l’entreprise pourront constituer à la fois des points d’ancrage et un référentiel de critères pour les prises de décisions. Ce sera au dirigeant agile d’y puiser le sens tout en y trouvant de nouvelles traductions concrètes. Comme pour la danse ou les arts martiaux, c’est cette stabilité interne qui procurera la solidité nécessaire à une véritable agilité externe et qui permettra au dirigeant et à ses équipes de s’adapter sans s’épuiser.
EXPRIMER À LA FOIS HUMILITÉ ET ASSERTIVITÉ FACE À L’INCERTITUDE
L’incertitude est liée à la non prévisibilité des résultats de ses actions ou des évolutions de l’environnement. Cette deuxième dimension du VICA est elle aussi indépendante de la quantité d’informations dont le dirigeant peut disposer. Lorsque le contexte est incertain, l’accessibilité à une abondance d’informations ne permet pas d’être sûr des évolutions à venir ou des effets attendus d’une prise de décision.
Le sujet a largement été abordé dans la littérature managériale sous le chapitre du management du risque. Les méthodes les plus classiques proposent en particulier d’émettre plusieurs hypothèses sur la base de scénarios plus ou moins optimistes, d’y adjoindre pour chacun d’entre eux des probabilités de réalisation ainsi que des mesures du caractère plus ou moins favorable ou défavorable des effets attendus. Pour une prise de décision, l’analyse pourra porter sur la gravité et la probabilité de l’occurrence de différents problèmes selon les différentes options décisionnelles possibles. La démarche pourra aussi concerner des scénarios réactifs face à des évolutions anticipées de l’environnement. Mais la véritable incertitude démarre là où la capacité de modélisation s’arrête.
Ainsi, dans le cas d’une élection, des électeurs purement « rationnels » pourraient-ils se déterminer pour un candidat non seulement en fonction de son programme mais également d’une évaluation du risque attaché à la capacité plus ou moins grande du candidat de pouvoir réaliser son programme et, s’il arrive à le réaliser, à la probabilité d’en obtenir les effets attendus. Dans le monde économique, l’imprévisibilité peut trouver son origine dans des mutations technologiques, de grandes évolutions géopolitiques, ou des choix non prévisibles d’acteurs économiques majeurs ou d’autorités de régulation.
Pour certains, l’incertitude sera vécue comme un défi stimulant. Pour d’autres, l’incertitude sera source d’inquiétude, celle notamment qui naît de la focalisation sur des éléments externes qui ne dépendent pas de soi. Notons que le rapport à l’incertitude est un facteur culturel discriminant, comme l’a montré Geert Hofstede dans ses travaux.
Pour le dirigeant, faire face à l’incertitude nécessitera à la fois beaucoup de force intérieure et beaucoup d’humilité, celle d’accepter de ne pas savoir, de ne pas être certain. Et pour éviter l’inhibition de l’action, le dirigeant dans l’incertain devra paradoxalement être en mesure d’exprimer ses choix avec assurance.
Car la gestion de l’incertitude ne concerne pas que le dirigeant lui-même mais aussi sa relation aux autres. La question se pose en effet de savoir comment motiver voire convaincre des équipes, des clients ou des partenaires financiers de la pertinence de décisions alors même que l’on ne peut être certain du résultat escompté.
Une façon d’aborder le sujet est de prendre conscience de sa relation à l’incertain et à la prise de risque, et de faire la distinction entre les états émotionnels liés aux trois temps de l’analyse, de la prise de décision et de la mise en œuvre opérationnelle. Ainsi, le dirigeant dans l’incertain pourra-t-il être capable de partager avec des parties prenantes son analyse avec humilité, de promouvoir des actions avec confiance en soi et assurance, et d’appliquer des décisions en assumant pleinement les choix opérés. Cela nécessitera lucidité sur son propre rapport à l’incertain ainsi que sur celui de ses interlocuteurs. Et cela pourra aussi nécessiter le courage de l’authenticité pour s’ajuster à chacune de ces trois phases.
S’APPUYER SUR SON INTUITION ÉCLAIRÉE POUR INFLUENCER LE SYSTÈME
Les prises de décision seront d’autant plus délicates qu’elles s’effectuent au sein d’un système complexe, le C du VICA. Le caractère complexe provient non seulement de l’aspect multifactoriel de l’environnement mais surtout du fait des multiples corrélations entre les facteurs. Le complexe se distingue ainsi du compliqué où les variables peuvent être aussi nombreuses mais suffisamment indépendantes pour pouvoir maîtriser une chaîne d’actions-effets. Par exemple une situation est complexe dans le cas d’un jeu multi-acteurs où chacun obéit à sa propre logique et où les interactions possibles entre ces acteurs sont quasiment infinies. La complexité croît lorsqu’un système est ouvert et qu’il est connecté à d’autres systèmes, comme c’est le cas d’une entreprise dans une économie devenue globale. Peut-être est-il possible de dégager de grandes tendances. Mais l’anticipation des effets d’une décision dans un environnement complexe est difficile à établir étant donnée la multiplicité des facteurs et les interconnexions entre eux.
Le développement du « big data » – la numérisation et le traitement de volumes massifs de données pour en extraire les facteurs expliquant -, est en train de changer la donne en matière de complexité. Mais le dirigeant n’a pas encore accès au big data pour toutes ses décisions. Et l’on peut espérer que l’ensemble de l’activité humaine et économique n’en vienne pas à se réduire à des algorithmes.
L’alternative au big data est bien sûr l’intuition. Nous considérons qu’il s’agit d’une compétence clé du dirigeant en environnement complexe. Ce que nous appelons ici intuition est la capacité à appréhender une dynamique systémique et à en percevoir les évolutions possibles en fonction d’une action imaginée. C’est aussi de comprendre ce qui est discriminant parmi la multitude des facteurs, ce qui est essentiel ou stratégique, ou encore de pouvoir identifier la différence qui fait la différence, pour reprendre l’expression célèbre de Gregory Bateson. Cette capacité à comprendre la zone discriminante, c’est à dire les connexions de facteurs qui donneront le point de levier stratégique pour une action systémique, est à rapprocher de l’expression anglaise « educated guess », beaucoup plus souvent utilisée dans le monde américain des affaires que son équivalent français de « supposition éclairée ». Il s’agit de la part d’intuition qui se manifeste chez celui ou celle qui a déjà une très bonne culture et un haut niveau de compréhension d’une situation. Cette intuition est en fait la manifestation consciente de corrélations inconscientes entre de multiples éléments et facteurs connus ou supposés. Développer son intuition éclairée et accepter de ne pas disposer de l’analyse scientifique complète sont à notre avis des compétences clés pour le dirigeant dans un monde complexe.
Mais comment développer son intuition ? Si le sujet mériterait un développement plus approfondi, citons ici deux axes en lien direct avec le leadership. Le premier est celui du développement de l’intelligence émotionnelle. En effet, le décodage d’expériences passées en distinguant les niveaux factuels, émotionnels et cognitifs permet d’identifier des corrélations entre des indicateurs émotionnels et des structures relationnelles ou situationnelles. En repérant dans une situation complexe les mêmes structures relationnelles et émotionnelles que celles issues d’expériences passées, il sera plus aisé de reconnaître ses intuitions et de développer sa capacité d’extrapolation.
Une autre bonne manière de développer son intuition est de stimuler l’intelligence collective de l’organisation. Parce qu’en suscitant l’expression de la multiplicité des points de vue et en l’intégrant dans une pensée systémique, le dirigeant pourra développer, à côté de l’intelligence analytique, une autre façon de saisir la complexité. Il s’entraînera ainsi à métaboliser de multiples facteurs et à intégrer des données parfois contradictoires. La démarche facilitera la génération d’hypothèses nouvelles par des processus non entièrement conscients.
Cette approche lui sera d’autant plus utile qu’il aura ensuite à influencer le système où chaque acteur, avec sa perception subjective de la situation, des risques et des dangers, contribuera de manière convergente ou bien divergente à la dynamique collective. D’un point de vue systémique, la combinaison de l’ensemble des comportements des différents acteurs expliquera ou non la réussite. La capacité du leader à influencer les perceptions individuelles et collectives, à négocier avec les parties prenantes et à jouer des effets de levier, revêtira ainsi une importance toute stratégique.
ACCEPTER LE PARADOXE ET EXPRIMER SA CRÉATIVITÉ
Le quatrième élément du VICA est l’ambiguïté. Nous utilisons ici le mot « ambigu » dans son acception courante et non dans le sens redéfini par la science de la décision. L’ambiguïté provient du fait que le sens donné à une situation ne peut se dessiner de manière évidente ou lorsque des hypothèses interprétatives différentes d’une même réalité font également sens de manière non exclusive. Cela se produit notamment lorsque les chaînes causales ou les interactions entre les facteurs ne peuvent être identifiés. Cela peut être dû aussi au fait que certains facteurs pourtant essentiels demeurent inconnus.
Dans le monde économique, l’ambiguïté peut provenir de situations de « co-opétition » où deux entreprises sont à la fois concurrentes et partenaires, lorsqu’un fournisseur devient concurrent de son client, ou encore à l’interne des entreprises quand des salariés d’une organisation matricielle doivent répondre aux exigences de plusieurs lignes hiérarchiques. L’ambiguïté est aussi monnaie courante sur des marchés émergents non encore structurés où les règles ne sont pas encore connues, lors de transformations sociales profondes dont les signaux précurseurs peuvent être interprétés de multiples manières, ou bien sur des projets interculturels où les référents cognitifs sont multiples.
Cette multiplicité des sens possibles peut placer le dirigeant dans un sentiment d’incapacité s’il n’arrive pas à conceptualiser la situation. Il risque en effet de se sentir tiraillé entre différentes interprétations possibles d’une situation sans parvenir à choisir l’une d’entre elles de manière opératoire. L’écueil devient alors celui des raisonnements en boucle entraînant l’impossibilité de prendre des décisions ou de saisir des opportunités et plus généralement l’inhibition de l’action.
Dès lors, la première faculté nécessaire pour un dirigeant confronté à l’ambiguïté sera sa capacité à accepter le paradoxe, c’est à dire à pouvoir se sentir pleinement à l’aise par une lecture polysémique de la réalité. Ceci ne sera possible qu’en acceptant d’adopter pour la même situation de multiples points de vue. Il s’agira pour certains de dépasser l’expert qui est en eux et qui aura tendance à rechercher ou appliquer « la » meilleure solution déjà éprouvée.
La deuxième faculté sera celle de la créativité qui permettra de scanner ou générer une multitude d’options et de pouvoir les tester aux regards des différents points de vue. L’expertise fondée sur des mécanismes qui ont fait leurs preuves dans le passé se satisfait mal de la confusion et de l’ambiguïté. En ce sens nous pouvons estimer que, si elle ne provoque pas des réactions de malaise et d’inhibition, l’ambiguïté constitue un terrain favorable à la recherche créative et aux développements non seulement de nouvelles compréhensions mais aussi de nouvelles stratégies et manières de faire.
Enfin, le dirigeant devra soutenir les équipes potentiellement mal à l’aise avec l’ambiguïté en leur apportant la stabilité et la réassurance d’orientations stratégiques fondées sur un système de valeurs explicitées et partagées. En effet, lorsque le sens est difficile à percevoir à l’extérieur, ou lorsque plusieurs significations sont possibles, il incombera au dirigeant de développer de nouveaux points de repère et de stabilité et de formuler des orientations fondées sur des principes et des valeurs internes.
S’ENTRAÎNER AUX RÔLES DE POÈTE, DANSEUR ET CHORÉGRAPHE DU RÉEL
Dans un monde VICA, il est facile de perdre ses repères et de développer une incapacité à l’action ou au contraire de s’épuiser en voulant sans cesse s’adapter au gré de changements erratiques de l’environnement.
L’expertise représente bien évidemment une force pour l’entreprise. Mais parfois elle perd de sa pertinence ou limite l’agilité des acteurs dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu.
Parmi les compétences personnelles qui aideront un dirigeant à trouver les réponses les plus pertinentes pour lui-même et pour ses équipes figurent une relation sereine au doute et à l’incertitude, la capacité à générer de multiples représentations de la réalité – et à jongler avec certaines d’entre elles de manière paradoxale -, l’agilité à pouvoir changer de modes de pensée et de styles de management, l’expression de son intuition et de sa créativité, et l’intégration des dimensions émotionnelles de la relation et de la prise de décision.
Pour développer son talent dans ces domaines, le dirigeant devra suspendre pour un temps les raisonnements analytiques, déductifs et linéaires afin de laisser la place à une approche inductive, créative, multi-facettes, globale et associative. En ce sens, au côté de l’expert qui est en lui, il devra développer les attributs du poète.
En développant une agilité fondée sur une stabilité intérieure, en créant pour les équipes une nouvelle forme de permanence dans le mouvement, en développant son pouvoir de conviction et d’action tout en stimulant l’intelligence collective, il dansera avec le réel. Comme le ferait un danseur avec sa partenaire, le dirigeant conduira une interaction dynamique, et non un contrôle du réel. Il fera preuve d’une implication totale, autant psychique, relationnelle que comportementale. Et pour réussir il réalisera ce mélange de focalisation et de légèreté qui permet de sortir d’un champ de contraintes et de développer un style personnel. Enfin, par son rôle de stratège et d’entraînement des équipes, il deviendra chorégraphe.
Contrairement à certaines idées reçues, il est tout à fait possible de développer les facultés du poète, du danseur et du chorégraphe pour mieux préparer les dirigeants à réussir dans un monde VICA.
Des outils créatifs, relationnels et managériaux existent et ils sont utiles. Mais le cœur de la démarche ne réside pas dans l’apprentissage de nouvelles techniques dans le champ humain comme il est possible de le faire dans d’autres domaines d’expertise. Il s’agit avant tout d’une approche dont l’enjeu est le développement personnel-professionneldu dirigeant.
Selon David Rooke et William Torbert, il y a sept niveaux de transformation du leadership. Le terme de développement vertical est souvent employé pour désigner ce développement personnel et professionnel du leader lui-même, qui passe par différentes phases de transformation de soi et de sa relation au monde. Il se distingue du développement horizontal qui est celui de l’extension des compétences techniques, métiers ou sectorielles.
Pour stimuler ce développement vertical, les formations classiques ne sont pas adaptées. Lorsque les enjeux sont notamment de renforcer sa solidité intérieure, de favoriser l’ouverture créative au-delà des certitudes, de développer une nouvelle sensibilité par rapport aux différentes parties prenantes, et par là-même d’exprimer de nouvelles formes de sagesse opérationnelle, nous privilégions les expériences apprenantes, les approches métaphoriques, les mises en situations, les partages d’expériences et le co-développement.
Le développement vertical du leadership et l’entraînement qu’il requiert seront stimulants pour certains dirigeants et ne conviendront pas à d’autres. Alors que le développement horizontal est généralement accepté comme la règle dans le champ professionnel, le développement vertical suscite parfois des réticences. Les programmes de développement du leadership dans un monde VICA sont le plus souvent perçus comme des voyages personnels et professionnels très riches et comme des opportunités de grandir. Mais tous ne se sentiront pas prêts pour les changements induits. Et certains, pour des raisons de personnalité ou de stratégie, préfèreront rester dans des rôles de dirigeants experts plutôt que dirigeants de la complexité.
Dans les grandes organisations, il nous semble essentiel de laisser à chacun la liberté de choisir les orientations de son propre développement. Les options personnelles et stratégiques sont souvent multiples. Il revient à chacun d’inventer ou de réinventer son rôle de dirigeant, de choisir son expression du leadership et de décider s’il souhaite inclure dans son métier de dirigeant une part de poète, de danseur et de chorégraphe.